quarta-feira, 8 de janeiro de 2014

Carta aberta à mulher desesperada num poema de Jacques Prévert


Encontre-me
em qualquer esquina
da Rue de Seine
e tomaremos juntos um porre
de uísque tequila champanha
pois eu entendo a necessidade
por trás de sua pergunta
que o francês chamou
de grandiosa e estúpida
diga-me a verdade
diga-me a verdade
eu quero saber tudo
Pierre ou ____________
(insira o nome do macho)
também não me importa
que ele titubeie ou agite
os braços
feito um náufrago um afogado
eu também quis saber tudo
diga-me a verdade
diga-me a verdade
Moço
você quebrou minhas pernas
ponha com a verdade
os ossos no lugar
deixe-me purgar as fraturas
com a veritas
e só depois fazer o mergulho
in vino
não me faça perder tempo
precioso de cicatrização
com mensonges e menções
à bibliografia universal
dos estudos erológicos
sobre o pé na bunda
diga-me a verdade
que é sempre grandiosa
e estúpida
que me importa tua vontade
de partir sumir morrer
eu estou do lado dela
a desesperada a histérica
com sua gana de viver
Moço diga-me a verdade
Moço mas agora é tarde
dois anos tarde demais
para a verdade e os ossos
fora do lugar
veja e ria-se de como ora
caminho torto
pelas ruas da sua cidade
que sequer conta
com uma Rue de Seine
Moço diga-me
Moços digam-nos
então por ora quiçá
qualquer mentira
que nutra
nossa vontade nossa gana
de continuar
às costas às nucas
de um qualquer
Pierre ou Moço
pelas calçadas
da Rua Augusta
da Rue de Seine
da Kastanienalllee
da Madison Avenue
das Ramblas
carregando nos ossos
nossa verdade
que é deveras
grandiosa e estúpida


§


Rue de Seine
Jacques Prévert

Rue de Seine dix heures et demie
le soir
au coin d’une autre rue
un homme titube… un homme jeune
avec un chapeau
un imperméable
une femme le secoue…
elle le secoue
et elle lui parle
et il secoue la tête
son chapeau est tout de travers
et le chapeau de la femme s’apprête à tomber en arrière
ils sont très pâles tous les deux
l’homme certainement a envie de partir…
de disparaître… de mourir…
mais la femme a une furieuse envie de vivre
et sa voix
sa voix qui chuchote
on ne peut pas ne pas l’entendre
c’est une plainte…
un ordre…
un cri…
tellement avide cette voix…
et triste
et vivante…
un nouveau né malade qui grelotte sur une tombe
dans un cimetière l’hiver…
le cri d’un être les doigts pris dans la portière…
une chanson
une phrase
toujours la même
une phrase
répétée…
sans arrêt
sans réponse…
l’homme la regarde ses yeux tournent
il fait des gestes avec les bras
comme un noyé
et la phrase revient
rue de Seine au coin d’une autre rue
la femme continue
sans se lasser…
continue sa question inquiète
plaie impossible à panser
Pierre dis-moi la vérité
Pierre dis-moi la vérité
je veux tout savoir
dis-moi la vérité…
le chapeau de la femme tombe
Pierre je veux tout savoir
dis-moi la vérité…
question stupide et grandiose
Pierre ne sait que répondre
il est perdu
celui qui s’appelle Pierre…
il a un sourire que peut-être il voudrait tendre
et répète
Voyons calme toi tu es folle
mais il ne croit pas si bien dire
mais il ne voit pas
il ne peut pas voir comment
sa bouche d’homme est tordue par son sourire…
il étouffe
le monde se couche sur lui
et l’étouffe
il est prisonnier
coincé par ses promesses…
on lui demande des comptes…
en face de lui…
une machine à compter
une machine à écrire des lettres d’amour
une machine à souffrir
le saisit…
s’accroche à lui…
Pierre dis-moi la vérité


(Paroles. Paris: Gallimard, 1946).

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